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1000 signes

que représente

à vos yeux, en 

critique d'art,

la question du style ? 

En premier lieu, la question du style, en critique d’art, revient à parler de la manière d’écrire, et de la manière dont on traduit la pensée, car s’il n’y a pas de style, il n’y a pas de personnalité, pas de regard, pas de point de vue, pas de reconnaissance, pas de subjectivité. Sans que l’on en ait conscience, le style, peut-être parce qu’il est propre à chacun.e et inimitable,  est ce qui met du soi dans le texte, dévoile les endroits où ça touche et agit, parle de l’autre – l’œuvre, l’artiste, l’exposition - tout en se rapprochant de lui, trouve de la connivence, ouvre des passages, s’égare parfois avec. Souvent, ce sont les autres qui parlent de votre style, comme s’il retenait l’attention et n’était pas si neutre, trouvait moyen de s’exprimer, quel que soit le sujet sur lequel on écrit, et qui, tant qu’il ne vire pas au procédé, ou à l’effet de style, - mais comment le savoir ? - tient la pensée et la sensibilité aux aguets, dans une forme d’éclat, insaisissable et prégnante.

Marie Gayet

Rien. Elle ne représente rien. Guère plus en Histoire de l’art d’ailleurs. Le style ceci, le style cela. Ce truc pour dire une époque en mobilier ou arts décoratifs – je baille déjà. Pire : le style d’un·e écrivain·e. 
Je me suis toujours dit que c’était le début de la fin, que d’avoir un style, pour un·e écrivain·e. (D’autant que je ne peux m’empêcher d’entendre : avoir du style.) J’ai beau connaître l’étymologie du terme, rien ne le rattache pour moi à l’écriture. Peu importe la référence à l’outil (le stylet) qui aurait pourtant la vertu (un peu cliché, certes) de faire entendre le caractère éminemment artisanal du (re)travail d’un texte, ou mieux, tiens, de dire l’utilité de ce même texte pour l’artiste concerné·e (mais en réalité, je n’y crois pas). Peu importe, donc, la référence à l’outil ; elle ne sauvera pas le style. 
Je ne prône pas le « degré zéro » mais espère néanmoins avoir une écriture, plutôt qu’un style. Une écriture, avec son pouls et sa respiration, plutôt qu’un style, avec ses caractéristiques et son devenir simiesque.

 

Marie Cantos

Décembre 2020

Le style, je ne sais pas.
J’ai trop lu sur la question.
Pour avoir le début d’une réponse.
Je ne me suis jamais demandée quel était mon style.
Et dans l’écriture, est-ce que ça me regarde ? 
C’est l’air que je respire.
Le style correspond au nombre de bifurcations prises dans le cours de la vie.
Le style, ça ne se raconte pas, ça ne se compare pas.
C’est tout et c’est rien. 
Une manière d’être, des décisions voulues.
Des changements brusques, des trajectoires.
Des choses pour lesquelles on s’engage, ou pour lesquelles on se révolte.
Des êtres qui disparaissent, ou des œuvres qui naissent.
Des promenades, des stratégies d’existence.
Le style, c’est rencontrer l’inconnu sous la plume.
C’est passer quoiqu’il advienne.
C’est chanter comme on se considère, comme on s’envisage.
C’est ne pas parler quand on en a pas envie.
Et prendre la parole quand on ne nous la donne pas.
C’est Susan Sontag qui fume une cigarette.
Le style, c’est vivre en supériorité, même lorsqu’on a tout perdu.
Même lorsque tous nos choix nous singularisent.
C’est écrire précisément ce coefficient-là.

Léa Bismuth

Le style. T'as le style. T'as du style. Je crois que, si je suis honnête, je n'ai jamais vraiment trop compris cette phrase. J'ai du style par rapport à quoi ? À qui ? Comment ? Pourquoi en aurais-je et pas lui-elle ?
C'est comme en écriture, on parle du style et on le cherche avant même d'avoir écrit le premier mot… On parle de cette façon d'écrire que l'on aimerait tant avoir, de cette façon de se vêtir que l'on aimerait tant assumer, et l'on copie. Non pardon, on étudie, puis l'on copie ces styles que l'on aime tant, jusqu'à espérer trouver le sien, et se démarquer. Mais on est d'accord pour dire que l'on ne peut s'exprimer avec la voix d'un autre. Non ?
Plutôt que de style, je parlerais de la sincérité de l'écriture, comme je parlerais de la sincérité de l'habit. Avoir confiance, se sentir à l'aise, avec les mots comme avec les tissus portés, paie. Enfin, il me semble.

Alex Chevalier

Le style est pudique. Il décrit à la manière faussement objective des verbes pronominaux, des tournures impersonnelles et des troisièmes personnes du pluriel et du singulier. Il n'envisage pas de parler à la première personne alors qu'il est englué dans une originalité discrète, mais désireuse d'individualité. La critique d'art n'est souvent pas là pour faire art. Et son style, qui lui est adjuré, doit soutenir, souligner, suggérer ou s'opposer, en traduisant ce qui a été perçu. Il sert le prisme subjectif et personnel d'un entrain, d'un ravissement ou d'une colère produit par l'œuvre. Il doit se faire lien entre cette dernière et celui.celle qui lit tout en s'effaçant agréablement le plus possible. Le style se doit de rendre la critique claire, pour ne pas dénaturer son sujet, qu'il raille ou qu'il acclame. Et bien sûr, de plus en plus certainement, on lui demande de se tordre pour correspondre à une ligne que l'on appelle éditoriale. Finalement le style d'une critique est assez malmené, mais il résiste, incapable d'être autrement que particulier.

Sandra Barré

En art, l'important, c'est le style. Lorsque je me prépare pour aller voir une exposition, je me demande d'abord: « Comment vais-je m'habiller ? ». Des fois que je croise quelqu'un. Car un jour dans une galerie parisienne, un artiste connu a hurlé en me voyant : « Ah, dire qu'hier pour venir me voir à l'atelier, elle était habillée comme un sac ! ». D'ailleurs un ami m’a confié : « Quand je vais aux vernissages, j'ai la boule au ventre, c'est quand même pas normal ». Lui, je l'ai connu alors que nous candidations pour un poste en école d'art, il portait un pull en laine vert pomme, le seul encore présentable de sa garde-robe, avait-il précisé. Moi j’étais en gilet rouge, nous formions une belle paire, nous avons raté l’entretien. Pour m’y rendre, j'avais pris le train avec une artiste d’une classe rare. Un bandeau retenait ses cheveux et entourait son beau visage pendant qu’elle me racontait comment, déterminée, elle avait tracté pour la France Insoumise sur un marché du 16e arrondissement. Depuis, elle a décidé de quitter ce monde. Jamais je ne l’oublierai.

Irmeli Kasurinen

Elle est centrale, la question du style. Une critique d’art sans style, c’est un communiqué de presse ou un pensum académique. Le style donne vie. Le style incarne. Le style crée des reliefs, des aspérités, des saillies. Sans cela, le compte-rendu est banal et la lecture ennuie.
Le style rend les évocations sensibles. Il rappelle que l’œuvre n’existe pas seule, qu’elle n’est pas autonome (le bon vieux mythe moderniste), ni ne vit en autarcie.
Bien au contraire, elle existe au travers de multiples médiations. Le style, en critique d’art, est l’une de ces médiations : le rappel de la subjectivité de celui ou celle qui écrit et regarde. Le style élit et distingue une partie de la totalité de l’œuvre. Cela n’est parfois qu’une infime partie. Parfois c’est même une fiction ou un fantasme. Le style met un fragment d’œuvre (vécue, sentie ou imaginée) en évidence. Jusqu’à parfois la trahir. Mais c’est à ce risque qu’il parvient à la faire exister in absentia et à la partager.


Morgan Labar

Mon style French size
Quand j’étais critique d’art, dans les années mille neuf cent quatre-vingt-dix, la question d’avoir un « style » me paraissait assez peu préoccupante, tant fleurissait dans la profession le plus large spectre de styles : du poétique ventre-mou à l’huissier constipé, du philosophique graisseux à l’avant-gardisme post-rétro… Chaque style avait sa critique, et tous sentaient bon le jugement d’un homme éclairé qui s’érige en censeur de goût, même le style artiste : besogneux, procédurier, avec des bonheurs d’expression. Me considérant comme un critique d’art alimentaire, soit un diffuseur d’ambiance culturelle au sens le plus arriviste, je me suis alors efforcé de me tenir au plus près de mes commanditaires et d’éviter toute surcharge stylistique, le genre critique faisant assez style par lui-même. Les seuls commanditaires de mes critiques furent toujours exclusivement les œuvres elles-mêmes. C’est d’elles que j’ai retiré le plus de dérivés syntaxiques inattendus et de tournures objectives, souvent poilantes, rendant chaque texte infesté d’un degré d’intoxication différent du langage employé. Certes, quand le truc se répète trop, là, ça fait style, à la longue.


Vincent Labaume

En lisant Écrire de Marguerite Duras, j’ai compris son style à L. 
Écriture saccadée. Écriture de ce qu’elle sent, vit, pense au moment où ça la traverse. 
La pensée ne précède pas l’écriture, l’écriture la fait advenir.

Parfois alors se dissipe le sens, mais jamais l’écho des mots.
Moi je n’ai pas de style. Je n’ai jamais su comment assortir mes vêtements, sans être mal assortie pour autant. Disons que je suis plutôt neutre. Est-ce un faible pour un·e critique ? D’ailleurs, est-ce aux critiques d’en juger ?
 

Pas pour moi. Pourtant, j’aime son style, précis, direct, sans froufrou. 

Moi, je tourne toujours autour du pot, j’ajoute des mots, j’aimerais que ce soit beau, qu’une mélo-die, dit, une mélodie, se lise, que l’écriture chante dans nos têtes. Un peu de poésie quoi !

La poésie est à la mode.

Je ne m’intéresse pas aux tendances, mais je m’aperçois que je colle à la mode.

 On n’échappe pas à son époque !

L’écologie, le genre, la décolonisation sont à la mode. Mais les sujets ne sont pas le style.

 Mais l’écriture est subjective. Je, d’ici et de maintenant. 

Alors le style, ça vient et ça va de soi.

Claire Kueny

Le critique d’art livre ses sensations éprouvées en découvrant des œuvres. Il affirme sa perception, sa sensibilité envers une démarche artistique. L’échange et la réflexion en commun nourrissent le processus de création à la fois plastique et critique. Le texte doit donner à voir la recherche tout en ouvrant des pistes personnelles de compréhension des œuvres. Il suggère des potentialités en dévoilant les pensées de l’artiste. Le temps de création est aussi important à révéler que l’œuvre finie. L’auteur défend une posture pour ancrer son écrit dans une recherche personnelle et élargit son étude de l’œuvre d’un artiste à une actualité et à une tendance de l’art contemporain. 
Je suis convaincue de la nécessité d’un temps long pour affiner un regard sensible sur les œuvres et livrer un texte qui dévoilerait une expérience physique possible. Ainsi, je privilégie un style poétique pour notamment inviter le lecteur à se créer ses propres images et se laisser porter par ce qu’il voit en lisant.


Pauline Lisowski

Chevillé, d’abord historiquement, puis mécaniquement, le style appartiendrait au même corps fou que la critique d’art. 
Passées les modes et les tendances, il s’inscrit en faux ou en vrai, c’est à dire, à sens ou à rebrousse.
Puisque l’exercice de la critique naît du style, et du fait de la pensée. C’est une troisième réalité ensuite qui l’enveloppe et donne essence au texte et ses copieuses figures.
L’histoire dit que les critiques, comme Baudelaire Dufaÿs, ont souvent été des littérateurs. 
N’appelle-t-on pas genre littéraire ces … ? L’art de jauger les œuvres de l’esprit.
Plus d’ailleurs qu’à la description pure et dure, on parlera de contemplation, le style s’attache à développer une matière visuelle qui emprunte au travail d’imagination.
Il est cette embarcation qui accompagne le lecteur en traduisant une langue en une autre. Il est lié au discours qui devient à son tour image, tableau, expérience.
Relevons l’importance de son émancipation. Si la critique se veut autonome, le style, lui, est ce qui advient seul, sans requête, et en même temps, lui offre les conditions de son affranchissement.
La plume, après, permettra la percée, cette vision neuve et en dehors des temps.

 

Fanny Lambert 

D'un style sobre ou extravagant, toute critique d'art forme, littéralement, un surplus qui s'ajoute à ce qu'elle prend pour objet. La question de la critique est la question de ce surplus, de ce surcroît, de cette excroissance qu'un critique accole à une œuvre. Quant à cette dernière, elle est la condition sans laquelle ce surplus n'aurait pas eu lieu.
Ainsi, chaque critique porte avec elle un risque : celui d'un cumul de connaissances, intuitions, descriptions, hypothèses qui peuvent obstruer et la perception, et le jugement ; il s'agit alors d'un surplus superflu.
Avoir du style, c'est être capable de faire de ce surplus de paroles ou de mots la condition même de percevoir et de juger ce qui avant n'était que brouillard. Le style est cette action paradoxale qui produit le surplus tout en l'absorbant en même temps. Il n'y a pas d'œuvre sans les mots qui en parlent, mais les mots peuvent aussi la manquer. Il leur faut s'annuler pour que l'œuvre apparaisse. Le style est ce qui annule les mots et active l'œuvre.

Monika Marczuk

« Ce passage est complètement incompréhensible »

Cette phrase, issue d’une correction très méthodique d’un de mes textes par une excellente revue canadienne à laquelle je collabore, m’est restée récemment en travers du gosier. À relire attentivement ledit passage, il n’y avait aucun réel souci de syntaxe ou d’orthographe. C’était bien le style que l’on critiquait. J’avais noté cette différence de taille entre les correcteurs français et les correcteurs nord-américains en termes de critique d’art : en France, ce que l’on peut nommer style, on n’y touche pas. Les corrections se font sur les bords ; dire que le style est mauvais, ça se murmure dans les couloirs, ça persifle en off mais ça ne se mentionne jamais crûment. On refuse un texte dont le style agace (sibyllin, pompeux, snob…) plutôt qu’on cherche à le corriger, à le faire rentrer dans les cases. Toutefois, je pense que beaucoup seront d’accord pour dire qu’il existe pire que l’amphigourique boursouflé, pire que le content de soi prétentieux ou que le deleuzien fanatique : le fadasse sans relief, auquel décidément on ne saurait quoi conseiller.

Camille Paulhan

Poinçon d’os, d’ivoire, de bois ou de tout autre matériau, le style (ou stylet) est un petit outil se définissant par un bout à pointe aiguë qui écrit sur le support et tente de lui imprimer sa marque. À son contact, l'œuvre résiste ou se laisse mollement pénétrer, affichant, après son passage, une incision plus ou moins nette, profonde, tendre, inachevée. L’autre bout du style est aplati en spatule, pour effacer et adoucir certaines empreintes. Car trop creuser réduirait l'œuvre à néant, pas assez reviendrait à l’effleurer seulement. La griffe, apposée de biais, frontalement, superficiellement, ouvre une brèche dans laquelle s’engouffre le sens. Épissoir pour le matelot, alêne pour le cordonnier, pointeau pour l’horloger, le style montre le caractère de cel.lui qui le manipule. Dans le terrassement de la production plastique, le style désigne l'œuvre comme un sceau, un cachet, une estampille. En travaillant de concert avec elle, il permet ce que l’acception première du terme annonçait déjà : une heuristique, quasi forensique, comme une tentative d’excavation à l’échelle de la main.

Elora Weill-Engerer

En tant que critique d’art, je ne pense jamais à la question du style, je le ressens dans l’œuvre d’un artiste après l’avoir assez fréquentée sans savoir à quoi il tient. Le style serait-il le formant d’une continuité, d’un lien de parenté entre des œuvres hétérogènes ? J’adhère au propos de Roland Barthes disant du style qu’il est « biologique », qu’il n’a rien à voir avec la subjectivité, ses goûts et ses choix ; le style serait selon lui

« l’incarnation de l’auteur sur la page ». L’importance décisive qu’il donne ainsi au corps est pour moi le plus intéressant. Sur le plan de la critique d’art, je suis frappée de constater comment une analyse strictement sémiologique, inattentive au médium - c’est-à-dire à la matérialité de l’œuvre, aussi peu rétinienne soit-elle - n’en saisit que le fantôme. Ignorer les spécificités de sa temporalité, non compressible, et de sa spatialité, non extensive, c’est faire l’économie de l’espace où nous la rencontrons, en apprécions justement le style. Écrire, composer avec style : inoculer au signe cette matérialité de l’expérience au risque d’un certain mystère.

Marguerite Pilven

Girouettes et pirouettes

 

On visite des expositions, on regarde, entre deux verres, des images, on discute, avec ceux qui les font et ceux qui en parlent, quelques cigarettes, on écrit, encore des expositions, on écrit à nouveau, une clope après l’autre, quelques bières, des débats entre amis, encore un texte, on écrit, on écrit et puis un jour se pose cette question : mais en fait, c’est quoi la critique ? C’est qu’au bout d’un moment on ne sait plus trop à quoi on sert, ni même ce que l’on fait, et surtout pourquoi on le fait. Et puis quoi ? Quelle est ma place ? Suis-je même présent dans mes textes ? Tous ces mots agglutinés ne sont-ils que pâles substituts ? Et puis-je vraiment imposer une présence ? Ne serait-ce pas dénaturer l’œuvres ? Ainsi tiraillé, le style critique oscille entre écriture-caméléon et littérature-masturbatoire, un coup soumis à l’œuvre – on dit fidèle – un autre émancipé – on dit nombriliste. Il s’en libère par une pirouette, une digestion, un abandon : l’engagement ne se danse pas seul.

Grégoire Prangé

outil, moyen de tailler ce que pensées, sensations, données peuvent (in)former
apparat, rond de jambe

 

cachez ce vide que je ne saurais voir

 

écho, faire avec, accompagner en mots, accepter la contagion, offrir ce qui en soi est mû par ce que l’œil perçoit, ce que l’esprit entend et que le corps reçoit
faille, à la serpe, trancher dans le corps de la langue pour qu’elle exprime sans jamais soigner une plaie qui aspire, bouche nouvelle, à la grande béance
onde, trouver la voie du silence, l’espace de l’apparaître, le temps du suspens
éclat, tailler une face nouvelle dans la sphère de l’histoire
souvenir, reprise, apprendre à rapiécer maladroitement la singularité de l’être, à creuser forer tisser le chemin menant du radicalement autre au petit béat du soi, déployer dans l’immensité du tout, se noyer, (se) montrer noyé
espoir, acceptation, ridicule, du minuscule
recherche, croire éperdument à la langue du présent, croire encore qu’elle est celle du toujours
rencontre, soldat critique cherche combat

Clare Mary Puyfoulhoux

Ça va pas être facile, de trouver son style…
Le style… ah, le style !! Ce simple mot suffit à me replonger dans un vieux cauchemar : une colle de culture générale en khâgne qu’il me fallut préparer en une heure, sans fonds documentaire, ayant pour sujet : « Le style, c’est l’homme ». Désignerait-il un ton, un rythme ou une tournure de phrases, révélant la singularité d’une plume, d’un caractère ou d’une vision du monde ? En somme, l’unicité de celui qui écrit ? Ou s’agit-il d’être enclin aux modes et à la rhétorique, comme dans un pur « effet de style » ? Dans la critique d’art, j’ai toujours regretté les écrits trop abscons : ceux qui enfilent les concepts pour se parer d’intelligence, et qui surfent sur les terminologies en vogue sans prendre la peine de sonder leur sens et leurs présupposés. J’ai toujours aimé les textes clairs, fluides et accessibles (il faut instruire son lecteur) avec une pointe d’ironie, de distance ou de piquant. « A mi me gustan las cosas claras… ¡ y el chocolate espeso ! », tel pourrait être mon adage, issu d’un proverbe espagnol louant la transparence des mots et, par contraste, notre goût pour le chocolat « épais » qui se boit en Péninsule...


François Salmeron

A lire à haute voix, seulement à haute voix.

Après avoir retourné la question sept fois dans ma tête. Après avoir gambergé un foisonnement de réponses. Après avoir romancé de mémorables discussions. Après tout cela et tant d’autres choses (qui resteront à jamais dans l’oubli), il m’est venu une chanson.

Enfin, non.

Il s’agit plutôt de sons, plus précisément de sensations :

Shebam ! Pow ! Blop ! Wizzzzz !

Mais, également, parce que la chose est tout de même fort sérieuse, des ScreuNianNianNian, voire parfois un ou deux Pif, pas vraiment de Paf (Ouf, et on croise les doigts pour que ça n’advienne pas). Des Patati, patata sont malheureusement venus se glisser, comme ça insidieusement, sans avoir été invités. En revanche, il y a plein de Ouaaa qui sont parsemés bien évidemment de Oupla et j’avoue, oui j’avoue avec de tout petits Oups (juste une pointe, Hein). Il va sans dire qu’il y a des Euh et Ooh bonheur des Frr également suivis de Froutch.

Après avoir échafaudé une énième chute pour la fin, il m’est venu… Mmm.

Ou alors Chut, Chuuuut.

Leïla Simon

Le style pourrait être l’affirmation d’une identité qui se déploie de texte en texte. Un apparat qui nous fait apparaître, comme un vêtement, une manière de reconnaître l’expressivité de son auteur·trice. 
J’ai souvent le sentiment que mon écriture me précède. Elle s’aventure bien avant moi dans des mondes qui auraient pu me demeurer étrangers. Elle se dilue, se fond dans l’univers de l’artiste qu’elle tente de comprendre. Elle se laisse traverser par l’autre. Elle s’altère. Devient par contact. Serait-ce cela mon style ? Une altération ? Je cultive l’idée d’une écriture caméléonesque qui changerait de rythme, de ton, de forme, voire même de police ou de taille. C’est un long et difficile exercice que de disparaître sous un style qui n’est pas le sien, car cela suppose de multiplier les perspectives, de créer des multivers. Je n’ai jamais cru que la critique d’art était l’affirmation d’un je, elle est une rencontre qui altère et déplace. Elle est un arrachement à soi qui navigue à travers des trajectoires de vie et d’expériences singulières qui ne sauraient être écrasées par un style, où tout finirait par se ressembler.


Marion Zilio

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